Analyse

Inclusion générationnelle : le nouveau chantier de la French Tech

Publié le : 14/01/2025

Dans l’écosystème dynamique et innovant de la French Tech, un chiffre interpelle : les plus de 55 ans ne représentent que 2,4 % de ses effectifs en 2024. Ce constat illustre une carence importante de diversité générationnelle dans un secteur souvent perçu comme le terrain de jeu exclusif des jeunes digital natives.

La French Tech : une vitrine d’innovation…

Lancée en 2013, la French Tech a pour mission de propulser les start-up françaises sur la scène internationale et de stimuler leur croissance. Ce réseau a permis à des entreprises comme Doctolib ou BlaBlaCar de rayonner dans le monde entier, symbolisant le renouveau de l’économie française. Pourtant, cette image de réussite s’appuie presque exclusivement sur des profils jeunes. Toujours selon la même étude, 70 % des salariés de la French Tech ont moins de 30 ans, et l’écosystème valorise les entrepreneurs de la génération Y ou Z, considérés comme hyperconnectés et audacieux, reflétant une culture où jeunesse et innovation sont souvent perçues comme indissociables, laissant peu de place aux générations plus expérimentées.

… Mais pas toujours inclusive

Derrière ce dynamisme apparent, un problème structurel se dessine. Un quart des employeurs considèrent qu’il est quasiment impossible de recruter au-delà de 50 ans. Et même lorsqu’ils embauchent, 58 % des dirigeants interrogés se disent défavorables à des quotas pour les seniors, arguant que cela pourrait nuire à la dynamique de leurs équipes.

Deux obstacles principaux sont régulièrement évoqués par les recruteurs pour justifier ce déséquilibre :

  • Les prétentions salariales des seniors, jugées trop élevées.
  • Un supposé manque d’adaptabilité aux outils numériques et aux méthodes agiles.

Or, ces arguments ne résistent pas à l’analyse et tournent au stéréotypes  :

  • Les seniors et le numérique : Le mythe du senior déconnecté n’a plus lieu d’être : 58 % d’entre eux utilisent régulièrement les réseaux sociaux, selon une enquête de Franceinfo. Une enquête Ipsos réalisée en 2022 révèle que 96 % des 60-70 ans se connectent quotidiennement à Internet, et plus de 80 % utilisent des outils numériques pour des démarches administratives ou personnelles. La transformation numérique a conduit à une adoption croissante des outils digitaux par les plus âgés.
  • Le coût de l’expérience : s’il peut être vrai que les profils expérimentés peuvent demander une rémunération plus élevée, ceux-ci apportent en retour une expertise précieuse et une transmission de savoirs essentiels pour la pérennité des entreprises. Par ailleurs, les collaborateurs de 50 ans ne sont pas toujours “trop chers” et les recruter plus peut s’avérer financièrement avantageux pour les employeurs grâce aux dispositifs d’aides de l’État. Par exemple, le contrat de professionnalisation, souvent associé aux jeunes, est également accessible aux demandeurs d’emploi de 45 ans et plus. Les entreprises qui optent pour ce type de contrat peuvent bénéficier d’une aide pouvant aller jusqu’à 2 000 euros par salarié. Ce dispositif ne profite pas seulement aux employeurs : pour les salariés seniors, il offre l’opportunité d’obtenir une qualification reconnue par l’État ou la branche professionnelle (diplôme, certificat, ou titre), favorisant ainsi leur reconversion et leur montée en compétences.

Les opportunités manquées de la French Tech

La pénurie de talents dans la tech est un problème criant. Selon une étude de France Travail, en 2023, plus de 60 000 postes dans le secteur IT étaient vacants en France. Malgré cette tension, les seniors restent sous-représentés. L’année 2024 s’est révélée particulièrement difficile pour les start-up françaises. Après une baisse notable des levées de fonds en 2023 (-38 %), les financements n’ont pas rebondi comme espéré. Selon le baromètre EY du capital-risque en France, elles ont levé 7,7 milliards d’euros en 2024, contre 8,32 milliards l’année précédente, enregistrant ainsi une nouvelle diminution de 7 %.

Face à une pénurie de compétences et à des stéréotypes dépassés, la French Tech pourrait pourtant trouver, dans les profils expérimentés trop longtemps délaissés, une réponse à ses besoins tout en bénéficiant d’un compétences précieuses.


Un constat qui commence à émerger et à faire des vagues

La French Tech Grand Paris, représentée par sa directrice Alexandra André, a œuvré pour mobiliser le secteur de la tech en étendant de façon significative l’initiative de la Charte 50+ au secteur des start-up et scale-up de son écosystème : 29 ont signé cette dernière au ministère du travail en mai 2024, ouvrant la voie pour sensibiliser l’écosystème. La French Tech Grand Paris a également signé en son nom propre.

« Les thématiques de diversité et d’inclusion ont toujours été au cœur des projets de la French Tech Grand Paris. Face au faible nombre d’initiatives en faveur de l’emploi des +50 ans où l’on constate que seulement 2,7 % des + 50 ans sont recrutés dans le secteur de la Tech, il était important pour nous de faire bouger les lignes. Notre groupe de travail a identifié la Charte 501 comme un moyen efficace pour sensibiliser les acteurs de la tech, par le biais d’une initiative déjà établie auprès d’acteurs traditionnels. C’est également un point important pour nous, de ne pas refaire ce qui existe et fonctionne, mais plutôt de joindre nos forces afin de toucher une plus large cible et d’avoir un impact plus important. Ainsi, nous sommes très heureux d’annoncer que plus d’une trentaine d’acteurs se sont mobilisés et ont décidé de devenir signataire de la Charte et de s’engager sur ce sujet », explique Alexandra André, directrice générale de la French Tech Grand Paris.

  1. Initiative du Club Landoy et du groupe L’Oréal ↩︎

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