C’est un nouvel âge que l’humanité découvre avec l’allongement de la vie : dix à vingt ans d’existence gagnés entre la fin de la vie professionnelle et les premiers signes de dépendance.
Quel sens lui donner ? Comment faire en sorte qu’il soit aussi bénéfique à ces « néo-seniors » qu’à la société ?
Le Club Landoy, créé par le groupe Bayard, est dédié à cette révolution démographique. Il s’est tourné vers des penseurs et des acteurs du monde économique et social pour dessiner les contours de ce nouvel âge de la vie.
« Ce n’est plus la jeunesse mais ce n’est pas encore la vieillesse », explique Mariette Darrigrand, sémiologue, pour décrire le « nouvel âge » né de la révolution démographique : ces dix à vingt ans de vie en bonne santé qui se sont glissés entre l’âge de départ à la retraite et la survenue des premiers signes de dépendance.
Seniors ou séniorités ?
Ce nouvel âge peut être vécu comme « une parenthèse enchantée : libérés de leur travail, ces nouveaux seniors ont encore suffisamment d’énergie pour demeurer actifs, se faire plaisir ou se rendre utiles », note Stéphane Hugon, sociologue. Pas question de rester en retrait de la vie, « comme l’origine du mot retraite le suggère », rappelle Mariette Darrigrand, convaincue que ce terme est appelé à disparaître.
Tout comme le mot « senior », qui recouvre des réalités trop différentes pour perdurer : « Ce nouvel âge est vécu de façon très différente selon l’état de santé, les conditions matérielles de vie, l’intensité et la qualité des interactions sociales », explique Stéphane Hugon en soulignant que la longévité reste le reflet des inégalités sociales.
Le sociologue préfère donc parler de « séniorités ». Elles sont la fois plurielles et mieux assumées que par le passé : « Nous arrivons au bout des impératifs de plaisir et de jeunesse éternelle qui se sont imposés à la fin du XXe siècle, estime Stéphane Hugon. Les seniors d’aujourd’hui n’ont plus besoin de montrer qu’ils ne sont pas vieux. » Ils assument désormais leur âge mais ils veulent rester dans la vie, au contact avec les autres générations.
Or, la retraite ne marque pas seulement la fin du travail, perçue comme une récompense et un droit inaliénable. « Elle signe aussi la fin des relations sociales liées au travail, observe Mariette Darrigrand. L’expérience du confinement a montré à quel point ces interactions sont indispensables à l’être humain. C’est pourquoi la retraite, qui était autrefois une libération, est parfois vécue comme une perte alors qu’elle peut aussi être un tremplin vers des liens nouveaux au monde et aux autres. »
Amortir la transition
Les mutations à l’œuvre dans le monde du travail peuvent amortir cette transition : des dispositifs tels que le cumul emploi-retraite, la retraite progressive et le développement de l’entrepreneuriat ne sont pas seulement destinés à relever le niveau de la pension de retraite. Ils permettent aux nouveaux retraités de rester actifs, dans la vie, en contact avec d’autres générations. Cela peut aussi passer par l’engagement dans des activités sociales, sportives, spirituelles…
« L’étude que nous avons réalisée pour le Club Landoy fait apparaître le lien entre l’engagement dans le bénévolat, l’état de santé et le niveau de bonheur ressenti », constate Jérôme Fourquet, directeur du pôle Études de l’Ifop. De fait, « les activités socialisées retardent les effets du vieillissement », explique l’économiste François-Xavier Albouy. Or, non seulement « notre société a plus que jamais besoin d’engagement », mais les dix à vingt ans d’existence gagnés ne peuvent être faits de « vide, sans activités et sans projets. »
Les mutations à l’œuvre dans le monde du travail peuvent amortir la transition entre vie professionnelle et retraite. Ils permettent aux nouveaux retraités de rester actifs, en contact avec d’autres générations.