À mesure que les carrières s’allongent, les entreprises vont devoir investir davantage dans la formation et l’employabilité de leurs salariés seniors. Certaines entreprises en sont conscientes, mais la route est encore longue… Les mutations à l’œuvre dans le monde du travail permettent pourtant d’imaginer de nouvelles façons de vivre la transition entre fin de carrière et retraite.
« Les lycéens et les étudiants ont l’occasion de découvrir la vie professionnelle lors de stages obligatoires dès la classe de 3e, observe Sylvie Peretti, membre du comité exécutif de Generali France, en charge des relations humaines et de l’organisation. Puisqu’on sait désormais accompagner l’entrée dans la vie professionnelle, il serait intéressant de trouver des outils pour faciliter la fin de la carrière professionnelle, mais également et surtout se préparer à vivre pleinement l’étape d’après. »
Des stages de préparation à la retraite
Certaines entreprises l’ont compris et proposent un stage de préparation à la retraite durant la dernière année d’activité. Mais si l’on se réfère aux résultats du Baromètre Landoy 2020, à peine 5 % des retraités en ont bénéficié. Sylvie San Andres n’en est pas là : à 54 ans, elle se sent encore très loin de la retraite !
« Je suis consciente que cette transition doit être préparée, explique-t-elle. D’autant que mon métier de commerciale en cosmétiques pour les marques grand public du groupe L’Oréal est assez physique. Mais je redoute un peu la retraite. » Cela ne l’a pas empêchée de s’inscrire au module de formation à « l’écologie personnelle » proposé par son employeur aux seniors de plus de 50 ans : « Il y avait une écrasante majorité de femmes, se souvient-elle. Elles ont le sentiment qu’il leur est plus difficile de vieillir dans le monde du travail, qu’elles ont moins de possibilités d’évolution que les hommes. Je ne partage pas cette impression : je ne me sens ni moins légitime, ni moins active. Mais je vois bien que, comme beaucoup de femmes, je me sens toujours obligée d’en faire plus. Et que pour bien vieillir, je vais devoir apprendre à me préserver, hiérarchiser les priorités et cesser de me sous-estimer. »
Cette formation, c’est Blandine Thibault- Biacabe, DRH de L’Oréal France qui l’a mise en place : « Nous avons observé que les femmes de 50 ans sont souvent amenées à porter deux générations, celle de leurs parents et celle de leurs enfants. Nous avons voulu les aider à prendre soin d’elles-mêmes et à décrypter les signaux faibles qui peuvent être inquiétants. L’Oréal, c’est le genre d’entreprises où l’on peut encore passer toute sa vie professionnelle. Nous sommes donc très attentifs à l’employabilité de nos collaborateurs », commente Blandine Thibault-Biacabe.
C’est ainsi que le groupe, qui s’est notamment donné Jane Fonda (83 ans) pour égérie, investit dans la formation de tous : « Aucun métier ni aucune tranche d’âge n’y échappent. L’an passé, 100 % de nos collaborateurs ont bénéficié d’au moins une action de formation. » C’est six fois plus que la moyenne des salariés de plus de 45 ans : le Baromètre Landoy fait apparaître que seulement 14 % d’entre eux ont bénéficié d’une formation durant l’année.
Or, « dans dix ans, plus de la moitié des salariés auront plus de 45 ans, prévient Laurence Drake, déléguée générale de la Fondation agir contre l’exclusion (Face). C’est une évolution qu’il nous appartient d’anticiper. » En aménageant, si nécessaire, les fins de carrières : « L’idée qu’il faudra travailler jusqu’à 60 ans et au-delà est désormais acquise, y compris dans les industries où l’on partait plutôt vers 55 ans, explique Sylvie Peretti (Generali). Mais certains peuvent avoir besoin de changer de rythme professionnel, sans pour autant mettre le financement de leur retraite en péril. »
De nouvelles formes de travail
Le développement de nouvelles formes de travail peut contribuer à faire émerger de nouvelles passerelles entre vie professionnelle et retraite. « À condition, toutefois, que les entreprises et le secteur associatif apprennent à mieux travailler ensemble », estime Laurence Drake.
Pour susciter l’envie de s’engager chez les salariés seniors : « Servir n’est pas l’apanage de tel ou tel âge. Pourquoi attendre celui de la retraite pour découvrir le profond bonheur de s’engager ? », s’interroge Laurence Drake. Ou, au contraire, pour permettre à certains retraités de trouver l’activité et le complément de revenu qui manquent à leur confort de vie : « Chez SeniorAdom, 95 % des conseillers sont des indépendants retraités qui souhaitent améliorer leur quotidien en gagnant les quelques centaines d’euros mensuels manquant à leur pension, explique Thierry Roussel, cofondateur de cette solution de télé-assistance (qui a été vendue au groupe mutualiste Vyv, en 2018). Ils veulent rester actifs mais sans remettre le doigt dans l’engrenage du salariat. »
Construire une image plus positive de la retraite
Incidemment, ces passerelles contribueraient à construire une image plus positive de la retraite : « Je crois à la puissance des mots, explique Sylvie Peretti. Parler de retraite ou de fin de la vie active n’est pas très encourageant ! » La fin de la vie professionnelle est le début d’une nouvelle étape qui est tout aussi active. Les entreprises ont tout intérêt à préparer leurs salariés : « Parce qu’il en va de notre responsabilité sociale et sociétale », poursuit Sylvie Perreti.
Et parce que les retraités sont de bons clients : 66 % des seniors se disent attachés au made in France et 41 % sont attentifs aux engagements des marques…
Blandine Thibault-Biacabe est Directrice des ressources humaines L’Oréal France
Sylvie Peretti est Membre du comité exécutif Generali France, en charge des relations humaines et de l’organisation