Essais & idées

Déficit des retraites : la solution cachée de l’emploi des seniors

Publié le : 07/01/2025

22 milliards d’euros de déficit : c’est ce que le dernier rapport du Conseil d’Orientation des Retraites prévoit pour le système des retraites d’ici 2045. Son président, Gilbert Cette, vient d’alerter sur un risque de dérapage du déficit sous l’effet de conditions conjoncturelles moins favorables. Cette réalité budgétaire met en lumière l’urgence de continuer à réformer un système sous pression, alors même que le débat sur le budget 2025 est désormais ouvert. L’occasion de rappeler quelques fondamentaux.

Comment est financé le système des retraites en France ?

Le financement des retraites repose principalement sur les cotisations sociales des travailleurs actifs. Ces cotisations constituent la principale source de financement du système. À cela s’ajoutent les recettes fiscales, comme la contribution sociale généralisée (CSG), qui permet notamment de  financer l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) et la prise en charge des périodes sans activité professionnelle (chômage, arrêts de travail). Enfin, des transferts entre les régimes et des subventions d’équilibre dans la fonction publique assurent le financement des retraites. Le budget consacré aux pensions de retraites représente environ 340 milliards d’euros chaque année, soit 14 % du PIB, ce qui en fait notre premier poste de dépense publique. 

Pourquoi le système de retraites est-il en difficulté ?

Le système de retraite français est aujourd’hui confronté à plusieurs défis majeurs. Les nouvelles générations de retraités bénéficient de pensions plus élevées, souvent supérieures à celles de leurs prédécesseurs, grâce à un taux de remplacement (pourcentage du dernier salaire perçu à la retraite) plus élevé que chez nos voisins européens. Les pensions moyennes de droit direct augmentent depuis plusieurs années et étaient en moyenne de 1068 euros par mois en 2004, contre 1531 euros en 2024 (DREES). Cela s’explique par une meilleure rémunération tout au long de la carrière et des carrières plus longues, mais aussi par l’inflation, car les retraites sont habituellement indexées sur les prix.

L’une des raisons est également l’allongement de la durée de vie : faute d’avoir ajusté en conséquence l’âge de départ à la retraite, les gains d’espérance de vie ont été principalement affectés à la retraite en France. Parallèlement, le nombre de retraités augmente fortement sous l’effet du départ à la retraite des baby-boomers, tandis que l’effectif d’actifs ne croît presque plus… Depuis les années 1960, le ratio entre cotisants et retraités n’a cessé de baisser. En 1960, il y avait 4 cotisants pour chaque retraité ; en 2023, seulement 1,7 . D’ici 2050, – selon les projections – ce ratio pourrait chuter à 1,4 cotisant par retraité. Cette évolution, liée au vieillissement de la population, fragilise le système de retraites par répartition et exerce une pression sans précédent sur les actifs et les comptes publics pour financer les retraites d’un nombre record de retraités. En 1980, la France comptait 5 millions de retraités ; ils sont 14 millions aujourd’hui et devraient être 23 millions d’ici 2050. 

Pourquoi l’emploi des seniors est essentiel

Une piste clé pour équilibrer le système de retraite réside dans l’emploi des seniors. En stimulant l’emploi des plus de 55 ans, on génère davantage de cotisations, réduisant ainsi la pression exercée sur les caisses de retraite : cela fait autant de cotisations en plus et de pensions de retraite en moins à payer. 

Le taux d’emploi des seniors entre 55 et 61 ans, en France est encore trop faible comparé à d’autres pays européens comme l’Allemagne, où il atteint 73 %. Un effort pour augmenter ce taux de 10 points pourrait ainsi rapporter 5,8 milliards d’euros supplémentaires à l’horizon 2032 selon certains économistes (chaire TDTE). D’après un récent rapport du COR, si la France avait le même taux d’emploi que l’Allemagne, elle économiserait 60 milliards d’euros sur ses dépenses de retraites !

En moyenne entre 55 et 61 ans, 21 % des seniors ne sont ni en emploi, ni à la retraite en France. Leur réinsertion passe par des formations adaptées et un soutien spécifique. Certains plaident pour la création d’un CDI senior, affirmant que ce contrat  permettrait de rassurer à la fois les employeurs et les salariés, en offrant une prévisibilité sur la durée de l’emploi et réduire les ruptures conventionnelles, souvent perçues comme des préretraites déguisées.

Début janvier 2025, les négociations sont en cours, et les délais ont été prolongés. Initialement fixée à neuf mois, la période de concertation a été étendue jusqu’à l’été. Le Gouvernement semble ouvert à la discussion et envisage différentes solutions pour répondre aux enjeux financiers du système, y compris la possibilité d’un âge légal de départ moins élevé que prévu.

Par ailleurs, les négociations politiques en cours autour de la réforme des retraites de 2023 prouvent à quel point le sujet reste épineux.  Le baromètre Landoy de la France qui vieillit démontre que les 18-24 ans rêvent d’une retraite dès 51 ans en moyenne, un âge bien éloigné des efforts nécessaires pour assurer le financement de notre modèle social. 

Face à la réalité démographique d’un vieillissement sans précédent de la population française, tout retour en arrière sur l’âge de départ à la retraite ne ferait qu’empirer une situation budgétaire déjà critique. 

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